Dixieland(Louisiana Story)
Il y a quelques années j'avais écrit ce texte sur la Nouvelle-Orléans et la Louisiane.Le voici avec un nouveau titre,hommage au grand cinéaste Robert Flaherty.
Le crépuscule sudiste est descendu
Enveloppant le Vieux Carré d’un mélange
De nostalgie et de révolte
Dans l’air tant de choses ont changé
Qu’est devenue la Cité du croissant?
Encombré de lectures
J’ai en vain poursuivi
L’immuable,le séculaire
Les traces
Mais le Meschacebe a dû se perdre
Définitivement.
Alourdi de bien trop d’images
Perclus d’illusoire j’ai traîné
A la recherche des parfums d’Antilles
Je les croyais si proches
Le fleuve ne porte plus
Ni cannelle ni coton
Le fleuve a ses geôliers
Verticaux
Tours et gratte-ciel éloignent
Le souvenir des Natchez
Comme celui des élégants corsaires
La mort de l’Ancien Monde
Fut ici la plus théâtrale
Il a suffoqué,français ou castillan
Voici longtemps sous la raison
Antebellum
Où dorment les crinolines
Des belles dames du Sud
Aux valses pétillantes?
Restent de si jolis noms
Iles Chandeleur,Fleur de Paris
Fontainebleau,Palourde
Comme une touche de Vendée
Evanescente.
Au Cabildo j’ai répondu à l’invite d’un fiacre
Rue Chartres,rue Toulouse
L’orphéon de King Oliver
Les sémillantes créoles
Ont cédé le pavé de Bourbon Street
Aux industries de nos années
Celles du voyeur
Peep shows et revendeurs
Orleans s’st égarée
Jelly Roll Morton boude le Carnaval
Masques et perruques de M ardi-Gras
Ne sont que vestiges
Et Satchmo est bien mort
J’ai voulu quitter la ville
Devenue comme jumelle d’autres lieux
Le tramway poussif de l’avenue Napoléon
Les fauteuils cannelés
Je les ai oubliés comme les colonnades
De Saint Charles
Aux ragtimes électriques.
Sur la route des marais
En quête de province,rêveur impénitent
J’égrenais lettre à lettre
Bâton Rouge,Pontchartrain
Pointe Coupée
Beautés du vocabulaire
Poésie de la topographie
Sonnant comme une chanson du terroir
Au creux du delta
D’Amérique.
Le pays qui marche sur les eaux
Tend ses myriades de bras
Etait-ce le paradis terrestre?
Des allées de chênes laissant filtrer
Les colonnes doriques de la grande demeure
D’un magnat nostalgique
Entretiennent les chimères
Au ciel le bruissement des aigrettes,des spatules
Cyprès et seringas
Gardent les plantations
Dont les fastes anciens décorent
Ces manoirs-hôtels de stuc et d’albâtre
J’y ai goûté le julep,le café-brûlot
Au rythme de ma fantaisie
J’ai dérivé vers les paroisses.
Mais,voisin,le géant texan
S’est chaque jour accolé davantage
A la Louisiane et les derricks
Salissent le lit des rivières
Où maraudait Huckleberry Finn
Alors j’ai abandonné ce Sud
Un peu celui de notre enfance à tous
Pour voir ailleurs ce qui restait
Peut-être
De mon Amérique à moi.